Rétention du loyer : en droit
Nous abordons ici la problématique de manière générale, en envisageant toute forme de location : bail d'habitation, commercial, professionnel, location « Code civil », ...
À défaut de texte spécifique, aucun texte en location ne permet au locataire de se soustraire au paiement de l'intégralité de son loyer, sans autorisation judiciaire. Le paiement du loyer est une obligation substantielle de tout locataire (p.ex. pour un bail d'habitation : loi du 06.07.1989 art. 7 a.).
En droit, un locataire peut se prévaloir d'un mécanisme du droit commun des contrats, appelé « exception d'inexécution » ou « non adimpleti contractus ». Depuis le 01.10.2016, ce mécanisme fait désormais l'objet d'un texte spécifique dans le Code civil. Ce texte précise qu'une partie à un contrat « peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre [partie] n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave» (C. civ, art. 1219).
Au vu de la doctrine des pouvoirs publics sur le texte, un locataire ne peut se prévaloir de l'exception d'inexécution « que si l'inexécution» reprochée à son bailleur « présente un caractère suffisamment grave ».
L'exception d'inexécution « ne peut donc être opposée comme moyen de pression» sur un bailleur « que de façon proportionnée ».
En outre, la « mauvaise foi» d'un locataire face à « une inexécution insignifiante » par son bailleur de l'une de ses obligations, peut être constitutive d'un « abus ou à tout le moins une faute susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle » (ord. 2016-131 du 10.02.2016, article 1219). Un bailleur peut donc parfois réclamer réparation à un locataire de mauvaise foi, qui retient indûment des loyers.
Rétention du loyer : en pratique
La Cour de cassation s'en remet aux juges du fond pour apprécier au cas par cas le bien-fondé de l'exception d'inexécution invoquée par un locataire qui entend, pour suspendre le paiement des loyers, se prévaloir des manquements du bailleur à ses obligations.
Jusqu'ici, l'exception d'inexécution a été rarement admise en cassation. En principe, un locataire doit prouver l'impossibilité d'user des lieux conformément à leur destination, ou un manquement du bailleur à son obligation de délivrance, p.ex. celle de « délivrer un logement décent» pour un bail d'habitation (cf. Cass. 3e civ. 17.12.2015 n°14-22754 et 07.12.2017 n°16-18413).
La Cour de cassation a récemment rejeté l'exception d'inexécution, opposée par le locataire d'un logement, qui se «plaignait» de désordres. Motif ? Il avait « d'autorité interrompu tout règlement de loyers, sans solliciter l'autorisation judiciaire afin de les consigner, se faisant ainsi justice » à lui-même (Cass. 3e civ. 05.10.2017 n° 16-19614).
Un locataire se doit ainsi, en principe, de saisir le juge d'instance pour se voir autoriser à consigner, en tout ou partie, le montant des loyers. Il a aussi été jugé qu'un locataire se devait d'en passer par une mise en demeure puis la saisine du juge « pour faire constater la carence de son bailleur » (Cass. 3e civ, 17.12.2012 n° 02-10142).
Si en tant que locataire vous vous entêtez à tort à retenir des loyers, vous risquez de recevoir un commandement visant la clause résolutoire de votre contrat de location.
Sauf grave manquement du bailleur à ses obligations ou impossibilité d'utiliser les lieux loués, un locataire ne peut suspendre le paiement de loyers par le jeu de l'exception d'inexécution. Il se doit en outre d'en passer par le juge pour être autorisé de consigner les loyers.