Depuis le 01 janvier 2025, les logements classés G par un diagnostic de performance énergétique ne peuvent plus être loués et au 01 janvier 2028, les logements classés F seront également concernés. Se pose la difficulté du congé délivré aux locataires lorsque ces travaux de rénovation énergétique sont de grande envergure et ne permettent pas leur maintien dans les lieux.
Parmi les congés prévus par la loi, on retrouve le congé pour motif légitime et sérieux, qui peut être délivré en raison d'un comportement fautif du locataire ou d'un projet du bailleur justifiant la libération des lieux.
C'est dans le cadre du congé pour motif légitime et sérieux que la question des travaux de rénovation énergétique, se pose.
Un arrêt récent de la Cour d'appel de Bordeaux du 6 janvier 2025 (22/05642) est venu reconnaître la validité d'un congé délivré par un bailleur pour réaliser de lourds travaux de rénovation énergétique, ouvrant la voie à une nouvelle approche jurisprudentielle de cette question particulière.
Le cadre juridique du congé pour motif légitime et sérieux
Un motif souple mais encadré
L'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit la possibilité pour un bailleur de donner congé pour motif légitime et sérieux. Contrairement au congé pour reprise ou pour vente, cette notion n'est pas définie de manière stricte par le texte. Elle laisse place à une appréciation souveraine des juges du fond qui examinent, au cas par cas, si le motif invoqué par le bailleur est suffisant pour justifier la rupture du bail. La jurisprudence a ainsi dessiné les contours des éléments pouvant constituer un motif sérieux et légitime :
- le non-respect des obligations du locataire (troubles de jouissance, impayés, usage abusif des lieux);
- un projet du bailleur impliquant des modifications majeures de l'immeuble, notamment des travaux de grande ampleur nécessitant la libération du logement.
Le bailleur doit démontrer la réalité et la nécessité du projet invoqué et le congé ne doit pas être un prétexte pour contourner le droit du locataire au maintien dans les lieux.
La jurisprudence en matière de travaux et le cas particulier de la rénovation énergétique
La jurisprudence admet depuis longtemps que certains travaux nécessitant la libération du logement puissent justifier un congé pour motif légitime et sérieux.
Il en va ainsi des travaux impliquant la démolition et la reconstruction du bien, des travaux rendant les lieux temporairement inhabitables par une modification structurelle du bâti, des travaux visant à remédier à des problèmes de sécurité.
La question spécifique de la rénovation énergétique est plus récente. Un bailleur souhaitant réaliser des travaux de rénovation énergétique majeurs ne peut pas s'appuyer sur une législation spéciale. Il lui faut se fonder sur les dispositions législatives existantes du congé pour motif légitime et sérieux, et se confier à son appréciation éventuelle par les juges si le congé est contesté par le locataire.
C'est dans ce contexte qu'intervient l'arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux du 6 janvier 2025, qui offre une illustration de l'appréciation par la jurisprudence du congé donné par le bailleur afin de rénover énergétiquement son bien.
Les faits et la décision de la Cour d'appel
La Cour d'appel de Bordeaux, dans son arrêt du 6 janvier 2025, valide le congé pour motif légitime et sérieux délivré par le bailleur afin d'engager une rénovation énergétique complète de l'immeuble, considérant que :
- la réalité du projet de rénovation ne pouvait être contestée : la Cour relève notamment une note de synthèse d'architectes, une saisine de géomètre et des devis nombreux et détaillés établis avant la délivrance du congé;
- l'ampleur des travaux nécessitait la libération des lieux, car ils rendaient le logement inhabitable puisque cette rénovation visait l'isolation thermique complète du bâtiment impliquant le remplacement des équipements de chauffage et d'eau chaude sanitaire, la modification du système de ventilation et des installations électriques, ainsi que la dépose des faïences, des sanitaires, carrelages, parquets et revêtements de peinture;
- le projet répondait à une logique d'intérêt général en favorisant la performance énergétique du bâti;
- le bailleur agissait de bonne foi et ne cherchait pas à contourner les règles protectrices des locataires.
Cette décision ouvre ainsi la possibilité de congédier un locataire pour des travaux de rénovation énergétique, sous réserve qu'ils soient suffisamment conséquents et justifiés.
Les implications juridiques de l'arrêt
Des travaux aux fins de rénovation énergétique peuvent donc justifier qu'un congé pour motif légitime et sérieux soit donné au locataire.
Les critères clés sont les suivants : l'ampleur des travaux et leur incompatibilité avec le maintien du locataire dans les lieux et la bonne foi du bailleur qui ne doit pas invoquer une rénovation à titre de simple prétexte.