Le décès du locataire

20 octobre 2023

Le décès du locataire en cours de bail est une situation délicate à gérer. En effet, plutôt bien encadrée par le droit, il est nécessaire de la traiter avec célérité afin d'éviter certaines conséquences déplaisantes pour les héritiers comme pour le propriétaire du bien. La question centrale est la suivante : qu'advient-il du contrat de bail à la suite du décès ? La réponse qu'y apporte la réglementation diffère selon le type de bail que le défunt avait contracté et selon la qualité de ses proches.

Location nue de locaux à usage d'habitation principale

Un transfert du bail limité à certains bénéficiaires

La location nue est soumise à la règlementation des baux d'habitation, et plus précisément à la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, qui encadre les modalités de transmission du bail en cas de décès du locataire. Le principe est ici posé par l'article 14 de la loi de 89 précitée : le contrat de location d'habitation nue ne se transmet pas aux héritiers du locataire décédé, il ne peut être transmis qu'aux bénéficiaires désignés par la loi. Seuls sont concernés par ce principe les locaux à usage d'habitation qui constituent la résidence principale du locataire. La règlementation vient ici consacrer le caractère intransmissible du contrat de location tout en maintenant, dans des cas limités, une certaine protection des proches vivants avec le défunt.

 

Les proches concernés par la transmission du contrat de bail

Les bénéficiaires du transfert de bail sont limitativement énumérés par la loi. Il s'agit des personnes suivantes :

  • Le conjoint survivant ou le partenaire pacsé

La transmission du bail est ici automatique sans qu'il y ait lieu de rapporter la preuve d'une vie commune. Par ailleurs, le conjoint ou le partenaire lié par un pacs dispose d'un droit exclusif sur le bail : aucune prétention d'éventuels autres bénéficiaires ne lui est opposable.

  • Les descendants ou ascendants, le concubin notoire ou les personnes à charge

Ici la transmission du bail est soumise à la condition que ces personnes aient vécues avec le défunt depuis au moins un an à la date du décès. Cette condition de cohabitation suppose une véritable communauté de vie. La simple nécessité d'assistance de l'occupant, par exemple en raison de son état de santé, ne permet pas à elle seule le transfert du contrat de location.

La preuve de la cohabitation sera appréciée souverainement par les juges du fonds, sur la base d'éléments tels que des pièces d'identité portant l'adresse du logement, des certificats de scolarité des enfants ou encore des factures, fiches de paie ou courriers émanant de la sécurité sociale libellés à cette adresse.

Conséquences du transfert de bail

Lorsque les conditions sont réunies, le transfert du bail est automatique : le même contrat se poursuit. Cela entraine les conséquences suivantes :

- Le bail prendra fin au terme initialement convenu. Dès lors que le nouveau titulaire du bail ne souhaiterait pas poursuivre le bail, il devra en notifier le bailleur en respectant un préavis de un ou trois mois.

- Le propriétaire ne peut pas augmenter le loyer.

- Les loyers seront dus par le bénéficiaire du transfert. Ce dernier devra donc agir rapidement s'il souhaite résilier le contrat.

- Le nouveau locataire n'est pas redevable des dettes antérieures au transfert du bail tels que les arriérés de loyer, sauf à en être reconnu débiteur en tant qu'héritier.

Absence de formalisme particulier

Les bénéficiaires doivent informer le bailleur du décès du locataire et du transfert du bail à leur profit. C'est généralement le notaire en charge de la succession qui s'en chargera. Aucun délai et aucun formalisme n'est exigé mais il est recommandé d'agir dans les plus brefs délais. Par ailleurs, comme déjà indiqué, c'est l'ancien bail qui se poursuit et il n'y a donc aucune d'obligation d'en signer un nouveau. Néanmoins, il peut être judicieux de clarifier la situation, notamment s'agissant des noms des parties au contrat, par la conclusion d'un avenant ou d'un nouveau bail aux mêmes conditions.

La résiliation de plein droit en l'absence de bénéficiaires

En l'absence de bénéficiaire, le décès du locataire entraîne la résiliation du contrat de location. Cette résiliation intervient de plein droit à la date du décès, sans qu'aucun délai de préavis ne s'applique.

Les héritiers du défunt doivent alors avertir le propriétaire le plus rapidement possible et lui adresser l'acte de décès ce qui permettra de justifier de la date de résiliation du bail.

La libération du logement et l'indemnité d'occupation

À compter de la date de décès du locataire, le bail est immédiatement résilié et les loyers cessent d'être dus. Néanmoins, cela n'implique pas que le logement doive être immédiatement libéré. En effet, les héritiers doivent enlever les meubles et autres possessions du défunt et résilier les contrats d'abonnement qu'il avait souscrit, ce qui peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois en fonction des situations. Aucun délai n'a été fixé par la loi à cet égard. Une indemnité d'occupation pourra alors être réclamée par le propriétaire. Elle sera égale au préjudice subi résultant de l’impossibilité de relouer immédiatement les locaux, c'est à dire, en règle générale, au montant du loyer et des charges. Les héritiers ne peuvent échapper à l'indemnisation du bailleur que dans l'hypothèse où ils renonceraient à la succession.

Le règlement des dettes du défunt

Qu'il y ait ou non transfert du bail d'habitation, ce sont les héritiers (et non les bénéficiaires du transfert, même s'ils peuvent être la même personne) qui devront régler les loyers antérieurs au décès et les charges locatives impayées. En cas de résiliation du bail, ils devront également indemniser le bailleur des éventuelles dégradations du logement. Ces charges s'imputent en priorité sur le dépôt de garantie mais la succession pourra être poursuivie en cas de reliquat.

Problématiques liées à la libération du logement

À compter du décès du locataire, et jusqu'à la date de libération effective du logement, il est interdit au bailleur de récupérer les lieux et de faire séquestrer le mobilier. Comme on l'a vu, une indemnité d'occupation sera due à ce titre, sauf en cas de renonciation à la succession. Le propriétaire encourt donc un risque financier pendant cette période. Il a tout intérêt à ce que cette période d'occupation soit la plus courte possible.

Or certaines situations peuvent s'avérer délicates.

  • Les héritiers tardent à faire connaître leur choix quant à l'acceptation ou non de la succession

En application de l'article 771 du Code civil, ces derniers disposent d'un délai de 4 mois pour prendre position. A l'expiration de ce délai, le propriétaire pourra sommer la succession de prendre parti par voie d'huissier. A défaut d'avoir pris parti à l'expiration d'un délai de deux mois, les héritiers sont réputés avoir accepté purement et simplement, ce qui a notamment pour effet de mettre à leur charge l'indemnité d'occupation.

  • Personne ne s'occupe de venir enlever les meubles du défunt

C'est ce qui peut se produire en cas de refus de la succession ou en l'absence d'héritier. Le bailleur devra faire une demande de communication de l'acte de décès auprès des services de l'état civil de la commune dans laquelle le locataire est décédé. Il pourra alors saisir le Président du tribunal Judiciaire afin de faire constater la vacance de la succession et de faire désigner le Service des Domaines, en qualité de curateur, qui devra gérer les biens du défunt. Le bailleur pourra demander l'enlèvement des meubles du défunt afin de pouvoir remettre le bien en location. Les frais d'enlèvement et de conservation des meubles sont avancés par le bailleur. Il pourra également demander au Service des Domaines, le remboursement des dettes du défunt à son égard et des frais engagés pour le déplacement des meubles. Le curateur devra alors dresser un inventaire de l'actif et du passif successoral et, à l'issue d'un certain délai, pourra faire procéder à la vente des biens jusqu'à l’apurement du passif.

 

Location meublée et location de résidences secondaires

Principe de la poursuite du bail de plein droit

Les locations en meublés, les locations saisonnières ainsi que les locations de résidences secondaires ne sont pas soumises à la loi du 6 juillet 1989 susvisée mais au régime général de l'article 1742 du Code civil qui pose le principe de la libre transmissibilité du bail. En application de cet article, le bail se poursuit automatiquement au bénéfice de certains proches malgré le décès du locataire ce qui permet d'assurer une plus grande stabilité des familles dans les lieux loués. Ces principes sont également applicables aux baux professionnels et aux baux commerciaux.

Bénéficiaires de la transmission

La transmission automatique du bail bénéficie aux héritiers et légataires universels. Néanmoins, le conjoint et le partenaire lié par un Pacs disposent d'un droit exclusif sur le logement ce qui a pour effet de priver les héritiers de son attribution. Dans tous les cas la transmission du bail a lieu de plein droit : elle n'est pas subordonnée à la preuve de la cohabitation. Seule la renonciation expresse à la succession permet aux bénéficiaires de s'en affranchir. Ici non plus la loi ne prévoit aucune modalité particulière d'information du bailleur. Il est néanmoins utile que le décès de son locataire lui soit notifié et que le nouveau locataire lui manifeste son intention de reprendre le bail à son profit. Par ailleurs, afin d'officialiser la situation du nouveau locataire, il peut être utile de prévoir un avenant au contrat d'origine ou même de conclure un nouveau bail aux mêmes conditions.

Conséquences de la transmission du bail

Par l'effet de la dévolution successorale, les héritiers deviennent cotitulaires du bail. Comme en matière de location nue, c'est le même contrat qui se poursuit à la suite de son transfert. De la même manière les héritiers se trouvent redevables des loyers dus postérieurement au décès. Ils devront donc dénoncer le bail promptement, et dans les conditions de droit commun, s'ils n'entendent pas le poursuivre. D'autant que, dans cette hypothèse, aucune condition de cohabitation n'étant exigée, le paiement des loyers sera dû même lorsque les héritiers n'habitent pas dans le logement du défunt. Les héritiers sont également redevables des arriérés de loyers, sauf renonciation à la succession. Attention, en raison de la cotitularité du bail entre époux, le conjoint survivant ne peut pas s'exonérer du paiement des loyers relatifs au logement du ménage en renonçant à la succession. Il est intéressant de noter que le conjoint ou le partenaire pacsé ayant occupé les lieux à titre de résidence principale au moment du décès a droit au remboursement par la succession des loyers payés pendant une année.

L'insertion de clauses dérogeant au principe de transmissibilité du bail

La règlementation prévoyant la transmission automatique du contrat de bail aux héritiers n'étant pas d'ordre public, il est possible d'y déroger conventionnellement. En effet, cette règle n'est applicable qu'à défaut de stipulation contraires. Une clause expresse de résiliation en cas de décès du locataire peut ainsi être insérée dans le contrat de bail. Il peut aussi être convenu que la location est consentie au seul preneur, empêchant ainsi ses héritiers de s'en prévaloir à la suite de son décès.

 

Conclusion : le rôle central du notaire

S'agissant de cette question délicate de décès du locataire en cours de bail, le notaire joue un rôle primordial de facilitateur. En effet, étant en charge de la liquidation de la succession, c'est lui qui devra faire l'interface entre l'ensemble des parties. Il est investi d'un véritable rôle de conseil auprès des héritiers et des éventuels bénéficiaires : il devra les informer de leurs droits s'agissant du contrat de bail et faire en sorte qu'ils se positionnent rapidement s'agissant du transfert du bail ou sa résiliation. Le sujet est d'autant plus urgent que le logement n'est plus occupé à la suite du décès et qu'aucun héritier ou bénéficiaire n'entend s'y établir. Il pourra également les assister pour la notification d'un éventuel congé au bailleur ou la rédaction d'un avenant au contrat de bail afin d'en officialiser le transfert. Il devra aussi régler les situations dans lesquelles plusieurs héritiers peuvent revendiquer la reprise du contrat de bail. Par ailleurs, il est le mieux placé pour avertir l'ensemble des tiers intéressés, notamment le bailleur, du décès du locataire. Ici encore, il devra procéder à l'envoi de l'acte de décès avec une certaine célérité afin de gérer au mieux l'enlèvement des meubles du défunt si cela s'avère nécessaire.

Enfin, il devra prélever sur la succession les éventuelles dettes du locataire défunt vis-à-vis du propriétaire du logement, ainsi que l'indemnité d'occupation du bien.