Ceux sont les baux dits« dérogatoires» de courte durée, les locations saisonnières et les conventions d'occupation précaire. Les deux premiers sont régis par le Code de commerce ; le troisième est à l'origine une construction jurisprudentielle, aujourd'hui consacrée par la loi.
Les dispositions législatives relatives au bail commercial sont d'ordre public. Cela signifie qu'elles s'appliquent même si les parties ne le souhaitent pas, à partir du seul moment où les conditions légales sont réunies ; la condition principale étant l'exploitation d'un fonds de commerce dans les locaux loués.
Ce caractère d'ordre public vise à protéger les parties au contrat ; plus spécifiquement, les dispositions concernant la durée du bail sont essentiellement destinées à permettre au commerçant preneur de développer sa clientèle sans avoir à redouter une éviction de la part du bailleur, et ainsi de rentabiliser les investissements qu'il peut faire dans le fonds exploité.
La durée du bail n'est toutefois pas la même pour le bailleur et pour le preneur :
- elle est de 9 ans pour le bailleur, ce qui signifie qu'il n'a pas la possibilité de mettre fin au bail avant cette échéance ; en outre, s'il souhaite ne pas renouveler le bail à l'échéance des 9 ans, il devra payer au preneur une indemnité d'éviction correspondant au rachat de son fonds de commerce.
- elle est de 3 ans pour le preneur puisque, sauf clause contraire dans certains baux, le preneur peut librement donner congé à l'expiration de chaque période triennale.
Or cette protection « par la durée» n'est pas toujours opportune ; en effet, bailleur comme preneur peuvent, pour des raisons diverses, souhaiter s'engager pour une durée moindre :
- le bailleur car il a par exemple prévu de réaliser des travaux de gros-œuvre dans l'immeuble à une échéance proche, ce qui va nécessiter que les locaux soient libres d'occupation;
- le preneur, car il est en phase de lancement de son activité et n'est pas certain de sa pérennité ;
- les parties peuvent également souhaiter une forme de « période d'essai » pendant laquelle ils vont tester leurs relations contractuelles avant de s'engager pour une durée plus longue.
Trois types de contrat répondent à ces objectifs.
Les baux dérogatoires d'une durée maximale de trois ans.
Ce type de bail est défini par l'article L. 145-5 du Code de commerce dans les termes suivants :
Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans.
A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.
Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.
Il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local.
Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier.
Possibilités de recourir au bail dérogatoire
Le bail dérogatoire est un libre choix du bailleur et du preneur qui décident, alors même que les conditions d'application du statut des baux commerciaux sont réunies, de s'y soustraire, au moins partiellement. Les locations saisonnières sont quant à elles soumises au Code civil et non au Code de commerce. Il n'y a donc pas de conditions spécifiques (outre la durée), liées par exemple au type de local ou au secteur d'activité du preneur. Toutes les parties ayant vocation à se voir appliquer le statut des baux commerciaux peuvent s'en émanciper pour une durée de 3 ans.
Règles applicables au bail dérogatoire
Le texte de l'article L. 145-5 du Code de commerce n'énonce pas que toutes les dispositions du statut sont exclues. Il dispose simplement qu'une dérogation à ce statut est possible si le bail est d'une durée maximale de 3 ans. Cela suppose :
- que la volonté de déroger soit expressément stipulée dans le bail par une clause du type : les parties entendent par les présentes user de la faculté offerte par l'article L.145-5 du Code de Commerce, de déroger à ses dispositions. Le présent bail n'étant pas régi par les articles L.145-1 et suivants relatifs aux baux commerciaux, le preneur reconnaît n'avoir droit lors de l'arrivée du terme du bail ni au renouvellement du présent bail ni au paiement d'une indemnité d'éviction.
- que les parties définissent quelles dispositions du statut continuent de s'appliquer. Dans leur silence, le bail sera totalement soustrait au Code de commerce pour être régi par le Code civil (droit commun du bail, articles 1709 et suivants). Mais il leur est possible de prévoir l'application de certaines des dispositions, comme par exemple celles relatives à l'indexation du loyer.
Durée du bail dérogatoire
Le texte de l'article L. 145-5 du Code de commerce, modifié en 2014, prévoye une durée maximale de 3 ans du bail ou des baux successifs. Il est donc possible de signer autant de baux dérogatoires que souhaité, à l'intérieur du délai triennal.
Formalisme du bail dérogatoire
Le bail dérogatoire n'est assujetti à aucune condition de forme particulière, mais il est bien entendu préférable qu'il soit écrit, ne serait-ce que pour faire la preuve de sa durée et des obligations, notamment financières, qu'il contient. L'article L. 145-5 prévoit en outre qu'un état des lieux est établi lors de la prise de possession des locaux par un locataire et lors de leur restitution, contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles, et joint au contrat de location.
Si l'état des lieux ne peut être établi à l'amiable, il est établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire.
Situation des parties à l'expiration du bail dérogatoire
Plusieurs possibilités s'ouvrent à la fin du premier bail dérogatoire :
- première possibilité. Si le premier bail était d'une durée inférieure à 3 ans, il est possible d'en conclure un second, à la condition que la durée totale des baux n'excède pas 3 ans. Si la limite des 3 années est franchie en additionnant la durée des deux baux (ex: 2,5 ans pour le premier et 1 an pour le second), le second bail sera automatiquement soumis au statut d'ordre public des baux commerciaux (si bien entendu les conditions d'application du statut sont réunies, et notamment celle relative à l'exploitation d'un fonds de commerce dans les lieux);
- deuxième possibilité. Le preneur quitte spontanément les lieux à l'expiration du premier bail ; le bailleur peut alors relouer le local par bail dérogatoire à une autre personne. L'ancien preneur ne peut solliciter une quelconque indemnité d'éviction;
- troisième possibilité. A l'expiration des 3 années, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance, le preneur reste dans les lieux et est laissé en possession : il s'opère alors un nouveau bail soumis aux règles d'ordre public des articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce. La même solution s'applique si le premier bail de 3 ans devait être renouvelé.
Le bail commercial qui se forme à l'expiration du bail dérogatoire reprendra les conditions du bail dérogatoire précédent, à l'exception bien entendu des règles d'ordre public et des règles relatives à la durée.
A défaut d'accord entre les parties, le loyer du bail commercial nouvellement en vigueur devra être basé sur la valeur locative du bien, c'est-à-dire la valeur de marché des locaux. Cette mutation du contrat dérogatoire en bail commercial est généralement contraire au but recherché par les parties. Il est donc conseillé au bailleur de donner congé avant l'expiration du bail.
Le délai et la forme de ce congé ne sont pas réglés par la loi. On conseillera un congé donné par lettre recommandée ou exploit d'huissier, 2 mois avant la date de fin du bail.
Avant la loi du 18 juin 2014, à l'époque où le bail dérogatoire était limité à 2 ans, la jurisprudence avait décidé qu'à l'expiration du bail dérogatoire, le locataire avait la possibilité de renoncer au statut des baux commerciaux, en signant un nouveau bail dérogatoire contenant une clause de renonciation expresse. La nouvelle rédaction de l'article L. 145-5 du Code de commerce semble fermer cette possibilité puisque le texte prévoit qu'à l'expiration des 3 années «les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.» Certains spécialistes pensent toutefois qu'il faut attendre que la Cour de cassation se prononce pour savoir si la possibilité de renonciation au statut est ou non maintenue.
Les locations commerciales saisonnières
La référence aux locations saisonnières apparaît dans le quatrième alinéa de l'article L. 145-5 du Code commerce qui dispose que « les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier» (les deux alinéas précédents sont ceux qui prévoient que si le bail dépasse 3 années il devient un bail commercial).
Cette dérogation est naturelle puisqu'un nombre important de commerçants, notamment ceux exploitant leur activité sur une zone touristique, n'ont besoin de leur local que quelques mois dans l'année : loueur de skis, vendeur de maillots en station balnéaire par exemple... Ces preneurs, bien qu'exploitant un fonds de commerce, pourront signer un bail de quelques mois seulement, et renouveler l'opération chaque année, sans que leur contrat ne dégénère en bail commercial à aucun moment.
Plusieurs questions se posent :
- comment définir le caractère saisonnier ? Aucun texte ne définissant ce qu'est une location saisonnière, c'est la jurisprudence qui a contribué à tracer les contours de cette notion. De manière assez peu originale, les juridictions énoncent qu'est saisonnière une location dont la durée est calquée sur une saison, non au sens strict du terme (été, automne, hiver, printemps ... ) mais au sens touristique ou commercial du terme. Ainsi une saison estivale en Méditerranée peut aller de mars à octobre. La jurisprudence regarde de près si le locataire est ou non laissé en possession des lieux en fin de saison (si oui, le contrat sera requalifié), s'il s'acquitte des charges d'électricité tout au long de l'année ... En revanche, le fait que le bailleur tolère que le matériel d'exploitation reste dans les lieux n'est pas un élément retenu pour requalifier le contrat ;
- quel régime juridique est applicable aux locations commerciales saisonnières ? Le Code de commerce ne le prévoit pas et c'est donc le Code civil, articles 1709 et suivants qui va s'appliquer. Le loyer sera librement fixé et pourra être renégocié à chaque période de location nouvelle ; enfin et surtout, le preneur n'a aucun droit au renouvellement de saison en saison ;
- enfin, quelles sont les différences avec les baux dérogatoires de courte durée ? Deux différences principales existent : la durée totale des baux dérogatoires de courte durée ne peut excéder 3 ans, alors qu'il peut y avoir un nombre et une durée illimités de locations saisonnières à la condition que chacune d'elle ait véritablement un caractère saisonnier. Ensuite et surtout, la location saisonnière n'a jamais vocation à devenir un bail commercial sauf si telle devait être la volonté commune des parties.
Les conventions d'occupation précaire
La convention d'occupation précaire ressemble beaucoup à un bail au sens où elle confère au preneur un droit d'occupation temporaire contre paiement. Elle est une création, déjà ancienne, de la jurisprudence, permettant au bailleur et au preneur de contracter alors que le bailleur n'est pas en mesure de respecter les règles du bail commercial, pour des raisons précises et indépendantes de sa volonté. Elle tend aujourd'hui à être supplantée par le bail dérogatoire de moins de trois ans décrit ci-dessus.
Depuis la loi du 18 juin 2014, la convention d'occupation précaire est définie à l'article L. 145-5-1 du Code de commerce, qui n'a fait que graver dans le marbre la jurisprudence applicable : « N'est pas soumise au présent chapitre la convention d'occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties».
Il ressort de cette définition :
- que la durée peut être supérieure ou inférieure à trois années. Si toutefois la durée devait être inférieure à trois années, on voit mal ce qui motiverait le recours à cette formule et non pas à l'article L. 145-5 du Code de commerce.
- que le choix de cette durée n'est pas librement convenu par les parties mais doit dépendre de circonstances exceptionnelles (motifs de la précarité).
Ont ainsi été jugées comme circonstances exceptionnelles :
- la prochaine expropriation du local loué,
- la démolition annoncée du local ou de l'immeuble dans lequel il se trouve,
- la situation très particulière des locaux (périmètre où les locations sont interdites, dessous d'escaliers mécaniques ... ).
L'occupant ne sait pas à quel moment son bail prendra fin. Le terme prévu est en général un événement qui peut intervenir à tout moment et qui ne peut pas être précisé à l'avance. Il n'a donc aucun espoir de conserver le local loué pour l'exploitation de son fonds de commerce.
La convention d'occupation précaire n'est pas obligatoirement écrite, mais pour des motifs de preuve et même de validité, l'écrit est fortement conseillé car il permet d'établir avec certitude les circonstances du recours à une telle convention plutôt qu'à un bail classique.
La convention d'occupation précaire est normalement soumise aux principales dispositions des articles 1709 et suivants du Code civil, notamment du point de vue des obligations de jouissance des parties. Toutefois certains auteurs dénient à la convention d'occupation précaire la qualification de bail et rejettent par conséquent l'application des règles du Code civil.
De même, le prix du bail porte en principe le nom d'indemnité d'occupation et non pas de loyer.