Location courte durée dans une copropriété

18 décembre 2024

Les locations de courte durée de type Airbnb ont bousculé des copropriétés qui n'y étaient pas préparées. Eldorado de rentabilité côté investisseurs, elles peuvent engendrer des nuisances pour les autres copropriétaires.

Le succès du concept AirBnB est fulgurant et génère des conflits dans les copropriétés entre les partisans de la location de courte durée et les défenseurs de la tranquillité. Dans cet affrontement, tout le monde veut connaître les possibilités d'attaquer cette activité. Les uns pour sécuriser leur investissement, les autres pour y mettre fin.

La réponse dépend principalement des règlements de copropriété qui se divisent en 2 catégories : ceux qui s'y opposent et ceux qui laissent la porte ouverte.

Le règlement de copropriété s'oppose

Il existe différentes barrières infranchissables pour les loueurs de courte durée dans les règlements de copropriété.

Clauses traitant spécifiquement le sujet AirBnB

Le règlement de copropriété peut interdire spécifi­quement la location meublée de courte durée dans l'immeuble à condition de justifier l'interdiction par le standing de l'immeuble ou son usage résidentiel. En pratique, 99 % des règlements de copropriété sont anachroniques sur ce sujet car leur immense majorité a été rédigée bien avant l'invention de ces plates-formes.

C'est pourquoi les exemples d'interdiction expresse (et même d'autorisation) sont rares sur le terrain mais d'autres voies peuvent quand même l'interdire.

La clause d'habitation bourgeoise exclusive

La clause d'habitation bourgeoise exclusive est celle qui réserve l'immeuble à un usage résidentiel en interdisant toute autre activité dans l'immeuble, même professionnelle. Dans ce contexte, l'exploi­tation d'une location meublée de courte durée avec de fréquentes allées et venues donne de solides arguments pour obtenir son interdiction et expose l'investisseur à un risque élevé de condamnation.

L'interdiction des locations meublées

Une clause interdisant spécifiquement les locations meublées peut également faire obstacle aux locations saisonnières. Cependant, la validation de ces clauses n'est pas systématique en cas de contestation car elles portent une atteinte importante au droit de propriété.

L'assemblée générale peut inscrire l'interdiction dans le règlement de copropriété

Certaines copropriétés sont tentées de modifier leur règlement de copropriété en votant une interdiction formelle de location type AirBnB.

La loi « Le Meur» du 19 novembre 2024 change la donne pour la régulation des meublés de tourisme dans les copropriétés.

Avant cette loi, l'interdiction nécessitait systémati­quement l'unanimité des copropriétaires en appli­cation des dispositions de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 :

«L'assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété».

Désormais, la contrainte quasi-insurmontable de l'unanimité est levée et les copropriétés peuvent interdire ces locations à la double majorité de l'ar­ticle 26 de la loi du 10 juillet 1965.

Cette possibilité d'interdiction doit respecter les conditions suivantes :

  • le règlement de copropriété doit déjà comporter une clause d'habitation bourgeoise qui interdit toute activité commerciale dans les appartements ;
  • l'interdiction doit viser uniquement les lots à usage d'habitation ;
  • les lots d'habitation à usage de résidences princi­pales ne peuvent pas être visés par cette interdiction. Quand l'activité commerciale est autorisée dans tout l'immeuble par le règlement de copropriété, l'inter­diction des meublés de tourisme nécessite toujours l'unanimité des copropriétaires.

Les propriétaires ou locataires qui louent leur loge­ment en meublé de tourisme doivent également en informer le syndic, qui doit lui-même ensuite inscrire un point informatif à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale.

En outre, les nouveaux règlements de copropriété signés à compter du 21 novembre 2024 doivent obligatoirement prendre position sur le sujet, en indiquant clairement si ces locations sont autorisées ou interdites.

Le règlement de copropriété ne s'oppose pas

Les règlements de copropriété qui n'entrent pas dans la première catégorie entrouvrent la porte au système AirBnB sans pour autant la laisser grande ouverte.

La clause d'habitation bourgeoise simple

La clause d'habitation bourgeoise qui autorise les activités professionnelles ne fait pas obstacle par principe à la location meublée touristique. La logique de la jurisprudence est que les inconvé­nients générés par cette activité sont équivalents à l'usage professionnel en termes d'allées et venues. Néanmoins, ce signal d'ouverture n'est pas un blanc­-seing donné aux investisseurs.

L'épouvantail de la qualification en activité commerciale

En présence d'une clause d'habitation bourgeoise simple, la copropriété pourra démontrer que l'ex­ploitation du meublé est une activité commerciale au regard de l'intensité et de la diversité des prestations fournies qui la rapprochent de l'hôtellerie : réception de la clientèle, fréquence de rotation des occupants, blanchisserie, restauration au petit-déjeuner ...

La fourniture de prestations mineures comme la remise de clefs et le changement de draps ne suffit pas à caractériser la nature commerciale de l'activité et à déclencher l'interdiction.

À cet égard, il est important de ne pas faire de confu­sion avec le régime fiscal de cette activité qui a une coloration commerciale mais n'entre pas en ligne de compte dans le droit de la copropriété.

Nuisances excessives

Les effets concrets de l'exploitation du meublé peuvent amener à interdire son exploitation si elle crée des nuisances excessives. Ce type d'action peut se fonder sur les clauses géné­rales du règlement de copropriété (tranquillité, interdiction des nuisances) ou encore sur l'invoca­tion de troubles anormaux de voisinage.

Le joker : la réglementation d'urbanisme

Tout investisseur doit également respecter la légis­lation relative aux changements d'usage et de des­tination dont la teneur devient de plus en plus res­trictive dans les métropoles touristiques. À ce titre, le syndicat de copropriétaires peut invoquer l'absence d'autorisation au titre de la législation des change­ments d'usage ou de destination pour faire cesser une activité de type AirBnB dans un immeuble.

La procédure à suivre pour faire interdire les locations Airbnb

Face à des locations saisonnières problématiques, les copropriétaires devront engager les actions sui­vantes :

  1. Envisager le recours à la loi « Le Meur»;

Si c'est impossible :

  1. Mise en demeure du propriétaire fautif par le syndic;
  2. Vote d'une résolution en assemblée générale pour engager une procédure judiciaire ;
  3. Action en justice contre le copropriétaire récal­citrant.

La première étape consiste généralement à faire constater les nuisances et à adresser une mise en demeure au copropriétaire concerné.

Si le problème persiste, une action en justice peut être engagée par le syndicat des copropriétaires et/ ou les copropriétaires à titre individuel.

Le juge appréciera alors la légalité de l'activité au regard du règlement de copropriété et des nuisances constatées.

Il pourra ordonner la cessation des locations sous astreinte et éventuellement condamner le proprié­taire fautif à des dommages et intérêts.

Des règles qui évoluent : ce qu'il faut retenir

La jurisprudence sur les locations Airbnb en copro­priété est en constante évolution. Quelques points clés à retenir :

  • Une interdiction générale et absolue des locations de courte durée est difficile à caractériser, sauf clause très explicite du règlement;
  • Les tribunaux recherchent un équilibre entre le droit individuel de propriété et les intérêts collectifs de la copropriété;
  • La preuve des nuisances est déterminante en l'ab­sence d'interdiction formelle.