Un peu d'histoire ...
La première république promettait que la propriété privée garantirait la liberté contre les élites qui toujours veulent légiférer pour museler le peuple qu'elles prétendent vouloir aider; c'était en 1789. Les propriétaires ont eu cette liberté et cette propriété heureuse pendant le XIXème siècle, ils étaient reconnus comme source de stabilité par les différents pouvoirs (empire, royauté, république).
La guerre de 1914 a entamé ces deux acquis jumeaux de la liberté et de la propriété avec un premier encadrement des loyers : une idée apparemment « généreuse» de l’État qui se découvrait une vocation liberticide pour aider les locataires mais vingt-cinq ans plus tard en 1939, il manquait deux millions de logements.
Personne ne fit le rapprochement entre la perte de rentabilité des propriétaires due à l'encadrement des loyers et leur désintérêt pour ce type d'investissement. Pourtant, quoi de plus évident ? C'est l'effet d'éviction qui fut mis en évidence par la théorie économique quelques décennies plus tard : plus l'État fiscalise la propriété privée, encadre les loyers et limite les droits des propriétaires plus les investisseurs se désengagent et plus il faut construire de logements publics.
La deuxième guerre mondiale a détruit un million et demi de logements. Il manquait donc près de quatre millions de logements en 1945. Au lieu de laisser le marché adapter l'offre à la demande en privilégiant le FNAH, puis l'Anah, l'État eut encore l'idée « généreuse» mais dramatique de subventionner des HLM par des impôts supplémentaires. Trop de subventions au parc public et une fiscalité spoliatrice envers les investisseurs privés crée une concurrence déloyale et décourage ces derniers, ainsi la part du marché privé se réduit régulièrement au profit des bailleurs publics.
On ne se rendit pas compte de cette substitution car le lobby du bâtiment sut faire admettre cette nécessité d'un casernement vertical des classes populaires par le confort nouveau des sanitaires et du chauffage central. Moyennant quoi, cet argent détourné du patrimoine privé a contribué à réduire le niveau de vie de la classe moyenne des petits propriétaires qui autrefois complémentait ses chiches retraites par des loyers. Ce fut une catastrophe urbanistique en concentrant les familles modestes dans des ghettos, en favorisant le communautarisme, les exclusions puis la délinquance.
Et aujourd'hui ...
Des chiffres contestables ...
L'État, toujours dans le registre des idées « généreuses» se mit en tête de limiter sans répit les droits des propriétaires pour favoriser ceux des locataires par des séries de lois attentatoires au droit de propriété. Les procédures d'expulsion devinrent compliquées et longues, le droit au logement, encore une idée « généreuse» sur le papier permet aux locataires de mauvaise foi de profiter gratuitement d'un logement pendant deux ans et de recommencer chez un autre bailleur.
Notre pays riche permet à tout le monde de se loger, les aides familiales de la CAF sont faites pour cela et c'est un progrès. La Fondation Abbé Pierre évoque 3,5 millions de mal-logés sans aucune référence statistique. Ce chiffre est fantaisiste car il englobe des ménages ayant des difficultés financières; cependant il existe encore 33 000 sans-abri qui sont le plus souvent désocialisés et environ 500 000 locataires et propriétaires occupants qui vivent dans des logements précaires ou dégradés. C'est un scandale car c'est la preuve de l'échec des politiques du logement.
... qui conduisent à un déséquilibre
Bien évidemment des problèmes de logement existent à Paris mais il y a un excédent de logements en province de plus de deux millions selon l'Insee. On a trop construit et pas assez rénové sous l'influence de la FFB (Fédération Française du Bâtiment) en marginalisant la CAPEB (Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment). Même les bailleurs publics ont trop de logements qu'ils n'arrivent pas à louer en province, devant faire passer des petites annonces pour dénicher enfin un locataire solvable.
On peut leur reprocher de ne pas loger les plus pauvres en préférant des locataires solvables; oui le système étatique du logement est mal fait : les bailleurs privés doivent loger les locataires pauvres dont les HLM ne veulent pas. Les HLM construisent seulement 1 % de logements très sociaux selon un rapport de 2012 de la Mission interministérielle d'inspection du logement social. Les HLM préfèrent demander des agréments pour loger des familles solvables plutôt que de loger les familles vraiment modestes ou insolvables, ce qui est un comble. Il existe environ 2 millions de locataires dans le parc public qui ne percevant pas d'allocation n'ont rien à y faire. Le surloyer n'est pas une solution car ces locataires doivent regagner le parc privé. Il faut une loi pour expulser ceux qui ne répondent plus aux critères d'accès au parc public.
Les premiers logements HLM pouvaient laisser espérer que la collectivité se préoccupait des plus modestes contribuant ainsi à éradiquer les bidonvilles à la sortie des villes de l'après-guerre, mais l'inconfort sanitaire a disparu depuis les années 2000 dans la presque totalité du parc privé. Le parc privé peut reprendre son rôle de locomotive qu'il a toujours eu quand l'État ne se mêlait pas de politique du logement.
Une crise du logement « ressentie»
La crise du logement n'existe plus en France sauf à Paris en raison notamment d'une politique des transports insuffisante et inadaptée en banlieue, ce qui n'empêche pas l'État de se focaliser sur les demandes de logements HLM pour croire encore dans la nécessité de nouveaux logements publics, confondant les listes d'attente réelles de l'après-guerre et les stratégies de locataires voulant minimiser leurs loyers et maximiser leur confort, en oubliant que les demandes ne proviennent pas de sans-abri mais de locataires ayant déjà un toit mais qui réclament plus grand ou plus petit, en tout cas moins cher.
C'est la loi du marché qui veut qu'une offre de produits moins chers déclenche toujours une demande, aussi plus l'État veut faire baisser les loyers avec toujours plus de HLM (encore une idée « généreuse» dangereuse) plus il crée d'insatisfaction en faisant croire que l'on pourra offrir un logement HLM pour tous; on obtient alors une « crise du logement ressentie» en créant de la rancœur chez les candidats refusés.
Une nationalisation rampante du logement...
Car ce que l'État dissimule, c'est qu'il n'y a presque pas de logements réellement sociaux chez les bailleurs publics; l'autre anomalie est la pléthore de logements dits sociaux» mais qui ne le sont pas : 70 % des ménages français ont droit à des « logements sociaux», il s'agit de la même clientèle que celle des bailleurs privés.
Depuis quelques années, les bailleurs publics (nommés par l'Assemblée nationale dans son rapport 3805 annexe 47, les « dodus dormants» en raison de leur trésorerie scandaleuse de 10 milliards d'euros) ne sont plus des bailleurs sociaux car on ne peut prétendre loger 70 % de la population française avec des critères sociaux, ce serait affirmer que 70 % des Français sont pauvres. Les bailleurs publics sont devenus des sociétés capitalistes avec des profits colossaux, faisant du commerce sans le dire (les bailleurs publics sous le prétexte de la revente sociale à des locataires, font des opérations de promotion immobilière dans les régions à fortes possibilités de plus-value ... exonérées d'impôts). Ainsi, l'autre scandale du logement en France, cautionné par tous les régimes politiques, est que l'on a mis en place une nationalisation rampante du logement (alors que l'on assiste à la privatisation de services publics comme la santé, les télécoms, les autoroutes…) en permettant à ces sociétés équivalentes à des multinationales (elles emploient 85 000 salariés) de ne pas payer d’impôts tout en percevant des subventions. La plus importante société HLM possède 150000 logements, elle économise par an 500 millions d’euros d’équivalent ISF, soit l’équivalent annuel des aides de l’Anah à l’ensemble des bailleurs privés.
... qui conduit à la désaffection des bailleurs
Le parc privé locatif est détenu par 2.2 millions de propriétaires dont la majorité essaie de survivre (79 % ont un ou deux logements) avec ce complément de retraite. Beaucoup sont des anciens travailleurs indépendants n’ayant qu’une modeste retraite ; ils ont travaillé toute une vie, ont économisé pour acheter un ou deux logements. Les rendements locatifs ont baissé depuis 2000, fiscalité oblige; la concurrence déloyale des bailleurs publics a fait baisser les loyers, c'est une nouvelle incitation pour quitter ce secteur d'investissement qui devient moins gratifiant avec les aléas de la gestion. 50 000 propriétaires ont été ruinés avec la loi Scellier, investissant n'importe où, même quand il n'y avait pas de demande.
Pour les propriétaires endettés, il n'y a plus de rentabilité possible.
Après les effets désastreux de la loi Quillot, le nombre de logements privés locatifs a baissé d'un million malgré le million de logements défiscalisés type Scellier mis sur le marché. Ainsi on peut imputer à la loi Quillot la disparition d'environ 2 millions de logements privés. Il faut attendre 2006 pour retrouver le niveau de 1978. Mais la surproduction des HLM ne s'est jamais arrêtée au point que le parc public a des dizaines de milliers de logements vacants (mais sans la taxe sur les logements vacants) ; il est paradoxal de constater que les bailleurs publics en province sont contraints de faire passer des petites annonces et de poser des panneaux « À louer». Il n'y a jamais eu d'enquête sur le nombre de logements vacants dans le parc public car ce serait relever son échec !